Loi sur la restauration de la nature: trois questions clés sur l’adoption par les députés européens

Biodiversité : trois questions sur la loi pour la restauration de la nature adoptée par les députés européens

La résolution, approuvée mardi à Strasbourg suite à un scrutin extrêmement disputé, stipule que chaque nation appartenant à l’Union européenne doit s’engager à réhabiliter au minimum 30% de ses écosystèmes dégradés d’ici l’année 2030.

L’incertitude a persisté jusqu’à la toute fin. Mardi 27 février, les députés européens ont finalement donné leur aval à un texte majeur du Pacte vert, qui impose aux 27 nations membres de l’Union européenne de restaurer leurs écosystèmes dégradés. Ce vote, qui s’est déroulé dans un contexte de méfiance des partis de droite envers le « Green deal », a été accueilli avec enthousiasme par les députés de gauche et les organisations non gouvernementales axées sur l’environnement.

L’article suivant examine les implications de cette législation, qui a été initialement proposée par la Commission européenne en juin 2022 et qui doit encore recevoir l’approbation formelle des États membres avant d’être mise en œuvre.

Qu’est-ce que le texte stipule ?

Selon l’accord, chaque État membre de l’Union européenne est tenu de restaurer au moins 30% de ses habitats naturels dégradés d’ici 2030. Ce pourcentage est censé augmenter progressivement, passant à 60% d’ici 2040 et à 90% d’ici 2050. La liste de ces habitats comprend les forêts, les rivières, les récifs coralliens et les prairies, avec une priorité accordée aux zones Natura 2000 jusqu’en 2030. Ce réseau de sites écologiques couvre près de 27 000 zones dans 27 pays de l’Union. Les États ont deux ans pour soumettre leur plan national de restauration à la Commission.

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Le texte a retenu trois indicateurs pour évaluer l’amélioration de la biodiversité des terres agricoles : le taux de papillons de prairies, le stock de carbone dans le sol et la proportion de terres agricoles à « haute diversité ». Les États membres sont tenus de collaborer avec les agriculteurs pour mettre en œuvre des mesures visant à obtenir une augmentation d’au moins deux de ces critères d’ici à 2030. Le texte exige également une augmentation de l’indice des oiseaux communs en milieu rural. Selon une étude du CNRS publiée en mai 2023, 60% des oiseaux des champs en Europe ont disparu en à peine quarante ans.

Le texte mentionne également d’autres aspects, tels que l’amélioration des critères d’évaluation de la santé des forêts, l’élimination des obstacles sur les cours d’eau et l’inversion du déclin des abeilles. Le texte législatif stipule également l’objectif indicatif de planter au moins 3 milliards d’arbres supplémentaires dans l’UE d’ici 2030.

Une exception est prévue pour suspendre l’application des mesures du texte en cas de circonstances « exceptionnelles » qui auraient de « graves conséquences sur la disponibilité des terres nécessaires pour garantir une production suffisante pour la consommation de l’UE ». Cette « clause de sauvegarde » peut être activée par la Commission européenne pour une durée maximale d’un an.

Quelles sont les critiques formulées à son encontre ?

Le processus menant au vote final des députés européens a été semé d’embûches. Initialement présenté par la Commission européenne en juin 2022, le texte a été propulsé sur le devant de la scène six mois plus tard à la suite de l’accord conclu lors de la COP15 sur la biodiversité. Malgré les attentes suscitées, il n’a pas réussi à faire l’unanimité : sous la pression de la droite, le Parlement européen a finalement largement amendé la loi en juillet 2023. Un compromis a ensuite été trouvé en novembre entre les négociateurs du Parlement et des États membres.

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Le principal sujet de friction concerne les terres agricoles. L’article concernant la biodiversité de ces zones a été supprimé cet été, avant d’être réintroduit sous une forme plus atténuée lors des négociations de novembre. La droite critique également la mesure qui exige que 30% des tourbières drainées utilisées en agriculture soient restaurées d’ici 2030, craignant que cela n’affecte la productivité. En réponse, le texte soutient que la remise en eau des tourbières offre des avantages en termes de biodiversité, une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre, tout en contribuant à la diversification des paysages agricoles.

Le Copa-Cogeca, une puissante organisation syndicale agricole européenne, s’est également montré très sceptique, combattant jusqu’au bout ces dispositions qu’il qualifie d' »irréalistes et non financées ».

Quelle a été la réaction des différents partis politiques ?

« C’est une avancée historique. L’UE avait besoin d’une politique qui va au-delà de la protection et de la restauration de la nature », a déclaré avec enthousiasme le rapporteur du texte, le député européen espagnol César Luena, lors d’une conférence de presse. « Après 70 ans, nous avons une politique commune pour restaurer les écosystèmes dégradés », a-t-il ajouté. Marie Toussaint, tête de liste écologiste en France, a également salué « une victoire pour le vivant ».

Pascal Canfin, président libéral de la commission parlementaire Environnement, a exprimé un sentiment similaire : « Cette loi permettra de faire redémarrer les écosystèmes là où c’est nécessaire », a-t-il déclaré, tout en notant qu’il existe des « flexibilités » pour « ne pas mettre la nature sous cloche ».

Les conservateurs ont exprimé leur déception. La question agricole étant un enjeu électoral pour une partie des votes du Parti populaire européen (PPE), plusieurs membres de la principale force de l’hémicycle européen se sont opposés au règlement. « Nous pensons toujours qu’il s’agit d’une loi mal rédigée (…). On met en place des règles bureaucratiques supplémentaires pour nos agriculteurs », au moment où la production alimentaire est sous pression, a déclaré mardi Manfred Weber, le président du groupe du PPE.

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Les ONG environnementales BirdLife, ClientEarth, EEB et WWF se sont dites « soulagées que les députés européens aient écouté la science sans céder au populisme ». Sini Eräjää, de Greenpeace, a cependant nuancé cette « victoire douce-amère pour la nature et nos systèmes alimentaires », estimant que « la législation a été gravement affaiblie, au risque de l’arythmie cardiaque ». « Au moins, son cœur bat encore », a-t-elle ajouté.

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Bernard Figuerol

Auteur

Bernard Figuerol est une figure emblématique de France Matin, connu pour ses articles perspicaces et informatifs sur l'aménagement du territoire, la culture et l'environnement en France. Titulaire d'un master en journalisme avec une spécialisation en développement durable, Bernard a rejoint l'équipe de France Matin il y a plusieurs années, apportant avec lui un regard neuf et une expertise approfondie dans ces domaines. Au cœur de son journalisme, Bernard se concentre sur les histoires qui relient les gens aux lieux, à la culture et à l'environnement. Ses articles sur l'aménagement du territoire vont au-delà de la simple couverture des politiques urbaines, explorant comment les espaces sont façonnés pour répondre aux besoins des communautés tout en préservant l'identité et le patrimoine culturel.

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